Tribune

Nous sommes travailleurs indépendants. Nous sommes designers, consultants, rédacteurs, développeurs informatiques… Peu importe notre métier finalement, nous partageons une ambition commune : l’autonomie. Pour nous, l’autonomie n’est ni synonyme d’individualisme, ni synonyme de solitude. Nous sommes d’ailleurs nombreux à être membres de collectifs au sein desquels nous tissons des liens solides.

À présent, nous voulons aller plus loin. Partager les expériences, croiser les expertises et mutualiser les services c’est bien, mais ce n’est pas suffisant.
La montée du travail indépendant est une tendance de fond qui transforme la société, nous sommes de plus en plus nombreux. C’est devenu un enjeu politique.

Le travail indépendant préfigure les transformations du travail de demain, en particulier parce qu’il est une des réponses à la quête de sens et d’autonomie. Pour autant, nous ne sommes pas naïfs. Certains d’entre nous sont confrontés à une précarisation croissante, à la montée du poids des plateformes et notre avenir n’est pas un eldorado tranquille.   

Parler en notre nom

Nous aspirons à l’autonomie mais nous ne voulons pas renoncer à la sécurité. C’est pourquoi nous lançons un syndicat : Indépendants.co pour nous fédérer et peser dans le débat public.

Le système de protection sociale actuel a été pensé à l’ère de l’économie de masse où le salariat et le plein emploi étaient la norme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le salariat prédomine encore largement – et il reste le cadre de référence de toutes les politiques sociales – mais de plus en plus de travailleurs ont des velléités d’indépendance. Le lien de subordination, constitutif du contrat salarié, était acceptable en échange d’une contrepartie : une série d’avantages et la sécurité de l’emploi. Ce modèle est remis en question.

Nous aspirons à trouver du sens dans notre travail, à exceller dans nos métiers, à bénéficier d’une certaine flexibilité sans renoncer à la sécurité.
Nous croyons à la possibilité d’être travailleur indépendant sans être totalement soumis à l’oppression du marché où le succès de quelques uns masque souvent les souffrances des plus fragiles d’entre nous. 

Les risques auxquels nous sommes confrontés vont croissant : précarisation, instabilité des revenus, difficulté d’accès au crédit bancaire, au logement, faible assurance chômage…

Nous ne pouvons pas nous résigner à cette situation. Nous souhaitons nous mobiliser et dessiner collectivement les contours d’une société qui respecte et protège les travailleurs indépendants. 

Nous croyons encore au bien-fondé de la négociation collective et du dialogue social. Si nous ne nous fédérons pas au sein d’un collectif représentatif, nous courons le risque que d’autres acteurs parlent en notre nom et négocient à notre place. Les récents débats autour de la LOM le prouvent : les plateformes sont déjà entrées dans la course et assurent un lobbying intense auprès du gouvernement. La décision du Conseil Constitutionnel de censurer le dispositif des “chartes de responsabilités sociales” montre heureusement que leur légitimité est remise en question. 

Nous partageons cette vision. Nous croyons que tous les travailleurs, quel que soit leur statut, devraient pouvoir bénéficier d’une protection sociale et vivre dignement de leur travail.

Dessiner collectivement nos futures revendications

Si nous lançons notre propre mouvement, c’est que nous ne retrouvons pas dans les institutions sociales existantes. Nous, nouveaux travailleurs indépendants, n’avons ni patrimoine, ni licence, ni fonds de commerce. Il nous faut donc inventer notre propre modèle de protection et revendiquer de nouveaux droits.

Nous tenons à rencontrer, sur tout le territoire, les indépendants et les collectifs déjà existants. Nous voulons discuter, partager nos problématiques, formaliser nos besoins et défendre des revendications que nous aurons co-construites. 
Nous pensons qu’il est urgent d’informer les indépendants sur leurs droits et les sensibiliser aux nouveaux risques qui les menacent. La retraite, la formation, la parentalité, l’évolution de la réglementation des plateformes…les impacts sociaux de ces sujets sont encore perçus comme complexes ou secondaires alors qu’ils sont essentiels. 

C’est précisément parce que nous disposons de peu de filet de sécurité que notre priorité est de développer notre activité commerciale. Notre horizon est, pour l’heure, trop court-termiste. 

Nous souhaitons inverser la tendance. Le rôle d’indépendants.co sera donc de créer des espaces et des moments d’échange pour imaginer des alternatives et concevoir des propositions concrètes.   

Nous n’avons pas les mêmes parcours, ni les mêmes métiers, ni les mêmes lieux de travail. Nous formons une catégorie de travailleurs hétérogène, mais nous sommes animés par un désir commun : allier autonomie et sécurité. Tout est à réinventer, tout est à construire. Ensemble nous pouvons le faire.